Jean HAUSER, professeur de droit, nous a quitté à 76 ans
lundi 13 novembre 2017Le professeur Jean HAUSER est décédé le 12 novembre 2017 à l’âge de 76 ans. Juriste français internationalement reconnu, il avait pris sa retraite dernièrement le 30 avril 2011, et était directeur honoraire de l’école doctorale de droit de l’Université Montesquieu Bordeaux IV.
Le professeur Jean HAUSER était une voix et une diction. Une manière aussi d’amuser la galerie avec des rapports de synthèses pleins d’humour et de dérision. Un certain sens de la formule, au risque de quelques approximations… mais qu’importe après tout, du moment que cela fait réfléchir ! Il n’hésitait pas à brocarder tel intervenant d’un colloque pour sa vision trop étriquée du sujet, ou cet autre dont l’intervention commençait par expliquer que le sujet du colloque n’était pas un bon sujet … « j’ai vu le moment où le colloque allait s’autodétruire ! ».
Jean HAUSER avait également une profonde affection pour les étudiants à qui il aimait confier toutes sortes d’anecdotes croustillantes sur les mésententes légendaires de la Doctrine et leurs conséquences en fait et en droit.
L’immense contribution de Jean HAUSER à la doctrine
Jean HAUSER est né le 22 juin 1942, il devient docteur en droit en 1969, et décroche l’agrégation en 1970. Il laisse derrière lui une immense contribution au droit français, et notamment le traité de droit civil coécrit avec le professeur Danièle HUET-WEILLER paru pour la première fois en 1991.
A partir des années 1980 il se spécialise en droit de la famille. Ce sera pour lui l’occasion de rédiger de très nombreux articles et notamment une chronique incontournable à la revue trimestrielle de droit civil. Il forme avec le professeur Philippe DELMAS-SAINT-HILAIRE un duo de choc intervenant au secours des notaires. En marge d’une passion certaine pour le droit, il confiait, avec une gourmandise non dissimulée, son goût prononcé pour l’hospitalité et l’abondance des colloques, conférences et séminaires organisés par les notaires.
Il fonde puis dirige jusqu’à l’été 2011 le centre européen d’études et de recherches en droit de la famille et des personnes (CERFAP). Il prend sa retraite le 31 août 2011 et devient professeur émérite.
Jean HAUSER un juriste complet et libertaire
Contre le principe des écoles et des disciples, il aimait à dire que l’on commençait à enseigner une matière seulement le jour où l’on cessait de répéter ce que les autres nous avaient appris. Une façon de tuer le père sans doute. Et cette exigence devait être à double sens, rappelant que le père devait savoir laisser libre ses enfants, sans pour autant les renier. « Une fois qu’on les a mis au monde, il faut les laisser se développer seuls ».
Pourtant son approche universaliste de la science a marqué des générations d’étudiants. A défaut de créer des disciples, il aura au moins fait des émules, notamment en soutenant vivement la« journée des masters » au cours de laquelle tous les étudiants des masters de l’Université de Bordeaux échangeaient et se rencontraient dans le cadre de productions communes. Il était pour lui inconcevable d’étudier une matière sans connaître les autres. Peut-être un vieil héritage chapardé à la Sorbonne ?
« il ne faut pas hésiter à se lancer et à sortir de sa discipline. On est tout à fait capable. On a même quelque fois plus de capacité à rentrer dans une discipline dont on ne mesure pas les tenants et les aboutissants, parce que maintenant on est écrasé par les détails ».
A cause des détails, on ne voit plus ce qui est essentiel
Il était aussi connu pour ses vives critiques de l’amateurisme du législateur, décrivant des scènes surréalistes au cours desquelles les parlementaires discutaient de la place d’une virgule, avec l’angoisse qu’un magistrat, trompé par un avocat retord, parvienne à obtenir le contraire de « l’esprit du texte ». Des discussions stériles, qui faisaient perdre selon lui le sens des priorités, souvent la conséquence de ce qu’il appelait le « droit FRANCE-INFO ». C’est-à-dire de lois prises dans l’urgence, « sans réfléchir avant, aux conséquences sur la vie des gens après« . Attaché à ses principes libertaires, il estimait que le législateur devrait savoir laisser son texte vivre une vie autonome après l’avoir écrit, et non pas chercher à maintenir sur lui une emprise.
Il regardait cette action dérisoire avec d’autant plus de perplexité que ce même législateur était prêt à tout pour rédiger des textes incohérents et inapplicables dans l’urgence. Et de citer avec l’humour qui était le sien l’exemple de la loi sur le nom, qui avait aboutit à une sorte d’IVG législative, puisque ce texte avait dû être abrogé avant d’entrer en vigueur, tant sa rédaction était médiocre.
Au mois de janvier dernier, il amusait encore la galerie en interrogeant un parterre d’étudiants, d’enseignants, de magistrats, de notaires et d’avocats, bâtonnier en tête, sur la nature juridique du tout nouveau divorce par consentement mutuel. Comment a-t-on pu imaginer qu’une simple convention puisse dissoudre un lien personnel ?
Le droit se venge toujours, avertissait-il…
Un rejet de l’individualisme consumériste qui corrompt tout
Une vraie idée de la liberté donc, qui l’incitait à la plus grande méfiance à l’égard des économistes et des statisticiens, dont il avait pu dire de ces matières qui sont enseignées souvent au moyen de vidéo-projecteurs « ont ceci de commun avec les choses de l’amour qu’elles s’étudient dans le noir. C’est certainement qu’elles doivent avoir des choses à cacher ». Cette méfiance à l’égard des chiffres et de la monétisation des relations se traduisait aussi par une critique, parfois vive, de ce qu’il considérait comme une dérive des droits individualistes soutenue par les thuriféraires des grandes conventions internationales sur les droits de l’Homme ou les droits de l’Enfant : « Le droit n’est pas fait pour distribuer des intérêts, mais pour résoudre des conflits d’intérêts« .
Certains se souviendront encore de l’avoir entendu confier que, jeune étudiant, il était impressionné par les mélanges. Il ne regardait pas leur contenu, mais les photos, pour savoir s’il aurait ou non souhaité être l’étudiant de tel ou tel professeur. D’après lui, RIPERT n’avait pas une très bonne tête. Il ne donnait pas l’impression d’être une personne aimable disait-il.
Rassurez-vous cher professeur, les étudiants du futur garderont de vous l’image de ce sourire bonhomme et bienveillant, qui n’ôtait rien à la sévérité de votre notation (bien entendu !). Mais chacun sait que les chiffres s’oublient…
Espérons que de là où vous êtes, vous allez enfin pouvoir percer le mystère non élucidé qui vous obsède depuis votre plus tendre enfance : quel est le statut familial du père noël ?