Le dol, une erreur provoquée ?
mercredi 06 mars 2019Examen droit civil
La validité des conventions suppose que soit réuni un certain nombre de conditions. Ainsi, certaines porteront sur la convention en elle-même, alors que d’autre dépendront de la personne du cocontractant. Le contenu de la convention doit être licite et certain. Pour leur part, les cocontractants doivent bénéficier de la capacité juridique nécessaire à la conclusion de la convention, et leur consentement doit être donné de manière libre et éclairée.
Spécialement concernant le consentement, il est à noter que les conditions dans lesquelles il est donné sont encadrées par le législateur. S’il peut apparaître évident, dans une société consensualiste, que le consentement soit protégé par le droit, il sera souligné qu’il n’en a pas toujours été ainsi, et notamment dans les sociétés formalistes. La notion de dol n’apparaît pas avant le premier siècle avant J.-C.. C’est le préteur romain qui dégage cette notion à partir de l’analyse de la clause ex fide bona. En effet, il serait contraire à la bonne foi d’obtenir le payement d’une créance extorquée par le dol.
Par la suite, le dol est longtemps confondu avec la fraude : Fraus omnia corrumpit. Plus tard, les glosateurs distingueront entre le dol qui entraîne la conclusion du contrat, et le dol qui conduit la victime à accepter des conditions plus onéreuses pour elle (dol principal et dol incident). Les premiers sont sanctionnés par une nullité absolue, les autres par une nullité relative.
L’influence du droit naturel renforce l’idée suivant laquelle le consentement doit être préservé et intact lors de la conclusion du contrat.
Consentement vicié par le dol
Le consentement se définit comme la manifestation de volonté de chacune des parties, l’acquiescement que chacun donne au contenu et aux conditions de la convention dont il s’apprêtent à accepter la contrainte. Or pour vouloir, encore faut-il que les cocontractants bénéficient d’une liberté égale : c’est à dire que l’autre ne détienne pas, ou ne cache pas une information capitale de nature à fausser la qualité du consentement de l’autre partie et donc à rompre l’égalité des parties.
Les anciens articles 1109 et 1116 du Code civil définissaient la notion de DOL comme le fait de surprendre le consentement de son cocontractant. Le D O L devait se comprendre comme un ensemble de manœuvres sans lesquelles l’autre partie n’aurait pas contracté. Du stratagème grossier, à la ruse habile, la jurisprudence en est venue à déterminer que le DOL pouvait également résulter d’un silence coupable ou d’une réticence opportune.
Le nouvel article 1130 du Code civil prévoit désormais que le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Le texte précise en outre que le caractère déterminant du dol, doit s’apprécier eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Le nouvel article 1137 du Code civil dispose pour sa part qu’il est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges, ou par la dissimulation intentionnelle d’une information.
Si comme certains l’affirment, le contrat doit être vecteur de justice, encore faut-il définir ce qu’est en droit la justice. Parmi les définitions possibles de ce qui est juste, il semble que la notion de dol préserve à la fois la liberté contractuelle, mais encore l’égalité des parties, dont les consentements doivent être fondés sur les mêmes informations. Deux axes de réflexions pouvaient donc se dégager en prenant la grille de lecture de la liberté et celle de l’égalité.
Proposition de plan
Support de liberté, le contrat ne doit pas être l’occasion de tromper la partie adverse sur son identité. Il pourra ainsi être rappelé à titre liminaire que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen proclame que la liberté de chaque Homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. La liberté contractuelle doit s’inscrire dans le prolongement de ce texte fondamental, et ne pas conduire à la remise en question de la liberté du cocontractant. La liberté de choisir avec qui l’on contracte ; la liberté de choisir le contenu du contrat. On pourrait évoquer l’hypothèse dans laquelle une personne pense vendre un terrain à un particulier, alors qu’en réalité il s’agit du gérant d’une entreprise minière qui rachète à vil prix un fonds dont il sait que le sous-sol, riche en minerai pourra être exploité de manière très rentable. Mais la liberté contractuelle, c’est aussi la liberté de choisir avec son cocontractant le contenu du contrat, sans être trompé.
Support d’égalité, la signature du contrat, qui matérialise l’accord de volonté des parties, doit se faire après que les informations entourant la convention aient été loyalement échangées. Il est important de souligner que le législateur qui a fait évoluer la notion de dol en la définissant de manière plus précise dans le Code civil, a également renforcé le devoir de loyauté des parties au stade de la négociation précontractuelle. N’y a-t-il pas une forme de paradoxe à vouloir renforcer l’obligation de loyauté dans les contrats du Code civil, comme si l’une des parties pouvait se trouver en situation de faiblesse par rapport à l’autre, alors que précisément, les contrats du Code civil sont des contrats dans lesquels il n’existe pas de partie faible … enfin en principe.