05 45 92 02 33 09 86 36 14 77
32 rue Hergé
16000 Angoulème

Droit civil : Petite fête entre amis & accidents domestiques

lundi 05 décembre 2016

Les fêtes entre amis sont propices aux accidents domestiques

Les étudiants en droit du Centre universitaire de la Charente trouveront certainement dans l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 14 novembre 2016 (RG n° 14/06098) un sujet d’entraînement à l’examen de droit des obligations, tout autant qu’un sujet de réflexion sur les conséquences des accidents domestiques lors de petites fêtes entre amis.

Dans cette affaire, une adolescente avait organisé une soirée d’anniversaire au mois de juillet 2009 à son domicile, c’est-à-dire chez ses parents, alors que ceux-ci étaient absents.

Il ne faut pas seulement faire attention à la gueule de bois !

Au cours de cette soirée, l’une des invitées a été victime d’une blessure alors qu’elle se trouvait seule dans les toilettes. La cause elle-même n’a pu être déterminée que bien plus tard, la victime n’étant pas capable de s’en souvenir. A leur arrivée, les pompiers ont constaté que la jeune invitée de quatorze ans était en état d’ébriété. Elle ne s’est pas plainte de douleur ou de blessure, et ses parents n’ayant pas pu être joints, sa grand mère est venue la chercher.

Le lendemain elle est examinée par sa mère, médecin, qui constate une importante plaie entre le périnée et l’anus. Elle est conduite à l’hôpital où elle fait l’objet d’un examen sous anesthésie générale, puis d’une colostomie.

Les parents de la jeune fille déposent plainte pour viol et agression sexuelle, classée sans suite par le parquet en 2011.

En mars 2013, les parents de la jeune fille assignent devant le tribunal de grande instance de Bordeaux les parents de l’organisatrice de la soirée aux fins de les voir déclarer responsables des préjudices subis par leur fille, ainsi que leur préjudice moral, à raison du défaut de surveillance de la soirée. Déboutés en première instance, ils interjettent appel de cette décision devant la cour d’appel de Bordeaux.

La question se posait donc de savoir si la responsabilité des représentants légaux, absents, pouvait être engagée.

Pour répondre à cette question, la cour d’appel de Bordeaux relève d’abord que dans le cadre de la soirée, il était parfaitement établi que la jeune fille avait été victime d’une blessure importante ayant nécessité une opération.

Selon la cours d’appel de Bordeaux les parents de l’organisatrice ont commis une faute parce qu’ils se sont absentés de 20h30 à 22h45 et qu’à leur retour, pour ne pas déranger les adolescents, ils sont directement montés dans leur chambre à l’étage, sans s’assurer que tout se passait bien, et notamment que de l’alcool ne circulait pas. Or, selon la cour d’appel de Bordeaux, cette précaution s’imposait d’autant plus que des jeunes plus âgés étaient présents à la soirée, ce qui pouvait générer des « comportements de surenchère ».

Christophe GRIS

cour d’appel de Bordeaux du 14 novembre 2016 (RG n° 14/06098)

En effet, il est ressorti des témoignages que dès le début de la soirée, de la bière et des alcools forts apportés par les convives ont été déposés sur les tables (gin, whisky, vodka, manzana, get 27, et que les jeunes étaient libres de se servir. La cour ajoute que d’autre témoignages faisaient également état de cigarettes roulées « qui n’étaient pas nécessairement du tabac ».

Les parents auraient dû intervenir pour éviter l’accident domestique

droits réservés - Christophe GRIS

Les accidents domestiques impliquant un balais de toilettes seraient + nombreux qu’on le croit

Selon la cour d’appel de Bordeaux, les parents auraient dû à leur retour s’assurer du bon déroulement de la soirée, et ainsi constater l’état d’ébriété avancé de la jeune fille. C’est parce qu’ils n’ont pas cherché à l’évincer de la soirée qu’ils ont commis une faute conduisant à la chute de la jeune fille qui, seule dans les toilettes, s’est empalée sur le support de la balayette qui s’y trouvait.

Compte tenu des circonstances de l’espèce, la cour retient cependant un partage des responsabilités à hauteur d’un tiers concernant les parents, et de deux tiers concernant la victime « sa chute dans les toilettes résultant de son état éthylique antérieur dans lequel elle a une part de responsabilité majeure ».

Il pèse donc sur l’organisateur d’une soirée privée une obligation de vigilance qui impose, notamment, de savoir écarter à temps un invité du buffet présentant des boissons alcoolisés et le cas échéant de le faire raccompagner, au risque de voir sa responsabilité civile engagée en cas d’accident domestique.