Les constantes de la responsabilité : Le lien de causalité
jeudi 26 octobre 2017L’arrêt que nous avons à commenter a été rendu par la deuxième chambre civile de la cour de cassation le 27 mars 2003, pourvoi n° 01-00850.
Le lien de causalité
Dans cette affaire, les faits étaient relativement simples. Un véhicule automobile qui n’était pas assuré défonce la devanture d’un commerce. Le commerce reste fermé 433 jours. Dans un premier temps, monsieur Y., commerçant victime, sollicite l’indemnisation de son préjudice auprès de la compagnie d’assurance MUTUELLES DU MANS, assureur de l’entreprise. L’indemnisation tarde à venir et les travaux ne commencent qu’avec beaucoup de retard.
C’est dans ce contexte que monsieur Y. assigne le fonds de garantie contre les accidents de la circulation et de chasse (FGA) pour obtenir, notamment, l’indemnisation de son préjudice de jouissance.
En appel, le fonds de garantie est condamné à indemniser les préjudices de monsieur Y. non couverts par la compagnie d’assurances MUTUELLES DU MANS.
Le FGA décide donc de se pourvoir en cassation, au moyen que :
- la compagnie d’assurance MUTUELLES DU MANS avait commis une faute en tardant à verser à monsieur Y. les provisions nécessaires à la reconstruction de son commerce, et qu’il ne pouvait en conséquence être tenu d’indemniser un préjudice de jouissance qui trouvait sa cause dans la réticence de l’assurance de monsieur Y ;
- que la compagnie d’assurance MUTUELLES DU MANS avait fait preuve d’une mauvaise foi évidente, sous couvert d’une opposition du propriétaire du fonds ;
La relation entre la cause et son effet est au cœur des débats juridiques concernant la responsabilité civile délictuelle qui impose que tout fait quelconque de l’Homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est survenu à le réparer. La charge de la preuve incombe à celui qui se prétend victime. Souvent l’existence d’un dommage justifiera une action en justice. Patrimonial ou extrapatrimonial, celui qui se prétend victime devra démontrer que ce dommage constitue un préjudice, et le faire évaluer.
Il recherchera ensuite la preuve d’une faute. Il s’agit parfois d’un acte positif, geste, mot, comportement, ou négatif, cacher une information lors d’une négociation…
Et enfin, il devra démontrer l’existence d’un lien de causalité entre le dommage dont il se prétend victime, et la faute supposée d’un tiers. Il n’est pas rare que le débat mette en cause plusieurs intervenants, qui se rejettent tous la responsabilité de l’acte à l’origine du dommage ayant constitué le préjudice de la victime. Dans ce cas, la chaîne des responsabilités peut devenir particulièrement difficile à déterminer, et rendre difficile l’indemnisation de la victime qui peut se heurter à une sorte de débat sans fin.
En l’espèce, il était demandé à la Cour de cassation de trancher la question de savoir si le seul fait à l’origine de l’ensemble des dommages subséquents devait être pris en compte, ou si des causes de dommages annexes pouvaient diminuer la responsabilité de l’auteur principal.
La Cour de cassation tranche le débat en optant pour la première option, estimant qu’en l’espèce, le dommage de perte d’exploitation était en relation de causalité directe avec l’accident, comme l’avait retenu la cour d’appel. Plus exactement, la Cour de cassation estime qu’il existe un lien de causalité direct et certain, puisqu’en l’absence de survenance de l’accident, le dommage ne se serait pas produit. Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait référence pour la première fois de manière explicite à la théorie de l’équivalence des causes.
I – Une conception extensive du lien de causalité
La chaîne des effets empiriques de nos actes est virtuellement sans fin. L‘élargissement de la chaîne causale rend aléatoire la détermination du lien de causalité, et cela particulièrement dans une société consumériste, au sein de laquelle il devient impossible de de déterminer la part de chaque intervenant dans la réalisation du dommage.
II – Une conception erronée du lien de causalité
Le juriste doit déterminer l’existence d’un responsable,et non celle d’une cause. Comment apporter la preuve de la cause, en l’absence de certitude scientifique ?