Exercice illégal de la profession d’avocat en ligne
mardi 21 mars 2017L’arrivée de nouvelles technologies, est également l’occasion de se poser de nouvelles questions : pour preuve, l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 mars 2017, pourvoi n° 16-82437 qui déboute le Conseil national des barreaux et l’ordre des avocats du barreau de Paris face à leur adversaire, la start-up demanderjustice.com.
Accéder facilement à une prestation juridique en ligne…
Cette société s’est spécialisée dans l’offre de prestation juridique auprès des particuliers qui se trouvent confrontés à de petits litiges. L’entreprise se veut innovante, puisqu’elle a créé un formulaire en ligne qui est complété par le justiciable, et qui lui permet de réaliser seul une lettre de mise en demeure, et un dossier de plaidoirie devant le juge de proximité, le tribunal d’instance, ou le conseil de prud’hommes. Il est utile de préciser que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant ces juridictions.
L’innovation porte certainement moins sur le fait d’avoir conçu un formulaire en ligne facile d’utilisation que sur le concept même de la prestation : donner la possibilité aux justiciables d’accéder à un juge sans avocat. On pourrait peut être comparer cette avancée intellectuelle avec la publication de la loi des XII tables en 449 avant notre ère (il s’agissait de mettre fin à l’application d’une loi issue de la tradition orale, qui était connue seulement des patriciens).
….mais sans l’analyse d’un avocat
Toute la question était donc de savoir si la mise à disposition de modèles constitue ou non un apport syllogistique, caractéristique d’une prestation intellectuelle. La Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour d’appel qui estime que le conseil de l’avocat suppose d’analyser une situation de fait pour y appliquer une règle de droit abstraite.
A en croire la décision de la Cour de cassation, la prestation offerte par la société demanderjustice.com relèverait presque de la publicité mensongère, puisque la promesse du site est de permettre à n’importe quel justiciable de saisir un tribunal et de gagner (le site affiche 80% de réussite…). Or une décision judiciaire est nécessairement fondée sur des textes.
Il serait donc possible de gagner un procès sans connaître le droit.
Les avocats optimistes se réjouissent déjà : cette entreprise qui prétend avoir résolu près de 250 000 litiges depuis 2011 a créé un nouveau marché : le marché du petit litige.
Il ne sera pas difficile de développer une clientèle auprès de ceux qui souhaiteront se défendre correctement, et ne pas prendre le risque qu’on leur rende justice sans dire le droit.